Documents n° 10

Un récit  sur les années de Résistance de Louis de Crécy, illustré par les images d'un retour aux sources en juillet 2000.

Document réalisé et transmis par Pierre de Thé

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Croix de Valchevrière,
le 22 juillet 2000...

 

En juillet 43, afin d'éviter le STO, Louis part au Gontier, ferme isolée appartenant à Monsieur Martinet (membre de la J.A.C. dont faisait partie Henri de Crécy), située à proximité de Malleval au dessus de Cognin. Il y séjournera durant trois semaines, occupé aux travaux des champs, avant de prendre contacts avec le maquis.

Le premier contact de Louis avec le maquis est pris par Bon Pachatte grâce au docteur CARRIER, médecin de Saint Marcellin, anti-clérical notoire, réputé pour ses opinions radicales, mais homme courageux et droit.

L'idée était d'envoyer Louis dans une école de cadres du maquis ayant été inaugurée à THEYS dans les Alpes et qui venait d'être transférée pour des raisons de sécurité dans le Haut-Jura, ce que le docteur Carrier ignorait encore. Le docteur Carrier livre un mot de passe à Louis afin d'établir un contact à Lyon. Au mot de passe, la tenancière du café blêmit et rétorque "...qu'elle ne voit pas du tout de quoi il veut parler...". ; le réseau avait été récemment démantelé par les allemands. Quinze jours plus tard, nouveau contact qui fonctionne. Là, Louis décide de s'appeler "Marnix" ou "Renard" (à cause d'un certain Monsieur Renard qui habitait à coté de la propriété de Boisset). Là, pendant huit jours, Renard doit se rendre à plusieurs rendez-vous afin que la Résistance puisse vérifier qu'il est de bonne foi et surtout qu'il n'est pas suivi. Lors du dernier rendez-vous, vers la gare des Brotteaux, Renard et trois autres volontaires reçoivent des billets de train. Ils savent alors qu'ils sont envoyés à Saint-Claude dans le Jura.

A l'arrivée à Saint-Claude vers 23h00, Renard entend la réflexion des gendarmes : "...tiens ! il n'y en a que quatre aujourd'hui !..."
Vers 5h00 du matin, les quatre hommes parviennent à pied au camp de "Tahure". Là Renard reçoit une instruction de base ; parmi les instructeurs, un certain Marcel PAYRE dit Cyrus, Chattois d'origine, sous-officier, ancien de Narvik. (Son père était un vieil excentrique, ancien sous-officier, qui peignait les pattes de ses poules, et les passaient régulièrement en revue ; à son fils Marcel revenait le rôle de répondre "...présent pour elle !..." à l'appel de la couleur de chaque poule).

Noël 1943: une attaque allemande disperse le camp de Tahure. Renard se retrouve avec le groupe de Cyrus. Avec ce groupe, Renard participe à plusieurs coups de main contre des mairies et surtout contre des camps des chantiers de jeunesse afin de récupérer des cartes de ravitaillement. En mars 1944 Renard tombe malade et est recueilli par un ménage de fermiers du Jura à Longchaumois. Il y restera un mois et demi avant de rejoindre Chatte. Il s'y rendra en train, avec des faux papiers d'identité établis au nom de son jeune frère Henri, mais avec sa propre photo.

Juin 1944... A la veille de ses 21 ans, Renard rejoint les FFI du Vercors avec le lieutenant de gendarmerie de Saint-Marcellin.

Contexte historique...


Renard rejoint la section des FFI commandée par le Lieutenant Chabal du 6° BCA. A cette époque, le Vercors était le premier territoire français libéré, avec Eugène Chavant comme chef civil du maquis, véritable "préfet" de la quatrième république sous le contrôle du Général de Gaulle à Alger, et Hervieux (Lt Colonel François HUET) comme chef des FFI du Vercors.

Le 14 juillet, les alliés font un très grand parachutage d'armes, en plein jour contrairement aux habitudes. Les soldats et civils tentant de récupérer les conteneurs peints pour l'occasion en bleu, blanc et rouge se font mitrailler par l'aviation allemande rapidement alertée.

Le 19 juillet, les FFI pressentent une attaque allemande plus ample et envoient la section Chabal à Valchevrière.

 

Là, sur l'emplacement du Belvédère de Valchevrière, Renard tient le poste de tireur au fusil mitrailleur qui protège l'arrivée de la route de Bois-Barbu à Valchevrière.

Vue du poste du PM protégeant l'accès de Valchevrière...

 

Depuis quelque temps, les FFI du Vercors avaient préparé à Vassieux des pistes d'atterrissage permettant de faire atterrir des planeurs alliés. Or, le 21 juillet, ce sont les allemands qui lancent une offensive surprise sur le Vercors et font atterrir leurs planeurs sur le plateau. Le 22 juillet, dans la soirée, les allemands sont aperçus à Bois-Barbu par une patrouille des FFI.

Arrivé depuis peu au sein de cette section, parmi des anciens du maquis ayant déjà essuyé le 12 juin un combat victorieux contre les allemands à Saint-Nizier, son lieutenant le considère comme un "jeune".

Le 23 juillet, au lever du jour, le Lieutenant Chabal considérant la "jeunesse" de Renard le relève de son poste et lui donne l'ordre, accompagné de Maurice Buisson, d'emporter des munitions et du ravitaillement à l'avant-poste installé en aval de la Croix de Valchevrière, sur la route venant de Bois-Barbu.

Vue de l'avant-poste en arrivant de Bois-Barbu...

 

Vers 6h30, Renard et Buisson ont rallié l'avant-poste.

Le sous-officier qui le commande, demande à Renard de se poster de l'autre coté de la route, à la hauteur du nid du fusils mitrailleur dont on peut encore apercevoir les "fondations" en pierre des protections.

Renard était posté dans les sapins de l'autre coté du chemin...

Renard en place, mimant le tireur au fusil mitrailleur...

Rapidement l'avant poste est attaqué par les allemands. Renard, armé d'un pistolet mitrailleur Sten, tire trois rafales et son arme s'enraye...

Là, Renard est témoin du geste héroïque de Auguste MULHEIM. (Il faut se souvenir que la veille, Hitler avait été la cible d'un attentat manqué). Informé par l'état major, Mulheim, alsacien d'origine, interpelle en allemand les soldats de la Wehrmacht, leur annonçant la mort du Führer. Petit moment d'hésitation dans les rangs ennemis, Mulheim insiste et descend sur la route en s'exposant dangereusement. Un officier allemand aboie quelques ordres et les tirs reprennent. Mulheim paiera de sa vie cette courageuse tentative.

A cet endroit, Renard est aussi témoin de la mort de Passy (le Lieutenant FREDDY SALOMON). Blessé mortellement, Passy à le temps de soupirer "... ça y est, ils m'ont bousillé, ma femme ne me verra plus...merde alors!...".

 

Station du calvaire de Valchevrière au niveau de l'avant poste des FFI...

 

Vers 9h00, sous le feu allemand, la position est devenue intenable. Et l'ordre de repli vers le belvédère de Valchevrière est donné . Le groupe le rejoint vers 9h30.

Le belvédère de Valchevrière...

 

Les allemands parviennent rapidement au belvédère. Le combat fait rage. Sous le feu, Chabal détache une section de 18 chasseurs pour prendre et tenir le rocher dominant le belvédère.

Rocher surplombant le belvédère...

 

Le détachement ne rejoindra pas son objectif, peut-être par peur d'y faire de mauvaises rencontres. Les allemands prennent inévitablement la position et profitent de leur avantage pour "arroser" le belvédère. Sous un feu nourri, Chabal reçoit vers 12h00 une liaison donnant l'ordre de dispersion.


En début d'après midi, Abel CHABAL est tué.
Buisson est grièvement blessé. Une balle a pénétré sous l'omoplate droite, et est ressortie de l'autre coté ; une autre balle lui a traversé la main. Le sergent Seguin fait exécuter l'ordre de dispersion et décide de rejoindre la grotte de la Luire. Mais Buisson n'est pas en état de pouvoir marcher jusqu'à la grotte.
Renard et Petiot proposent de rester avec Buisson pour tenter de s'en sortir ensemble.
Une heure après la dispersion, vers 14h00, sur le chemin qui mène à Valchevrière, à 200 mètres du belvédère, les trois hommes se dissimulent dans des fourrés, à quelques pas en amont du chemin.

Cachés en amont du chemin, dans des fourrés ( aujourd'hui des sapins)...

 

Dissimulés dans les fourrés, exhortant Buisson de se taire, malgré ses blessures, ils voient passer, sur le chemin en contre-bas, les soldats allemand rejoignant Valchevrière, fumant leur cigarettes et commentant la matinée ; le soir, ils entendent monter du hameau leurs rires et leurs chants célèbrant la victoire du jour...

Vue du chemin, à partir de la cachette...

 

Au milieu de la nuit, discrètement, ils traversent le chemin menant à Valchevrière et s'engagent dans la pente assez raide, à la recherche du minuscule sentier que Renard connaît, et qui descend jusqu'au pont de Valchevrière. Le petit groupe y parvient avant l'aube.

Arrivée du sentier au pont de Valchevrière...

 

Renard, ne sachant pas où sont les allemands, demande à Petiot et Buisson de rester cachés au dessus du pont. Seul, il longe la route jusqu'à l'usine électrique et réveille le gardien. Ce brave homme l'informe de l'absence d'allemands dans les parages et lui offre un pot de confiture et un vieux pantalon destiné à remplacer celui de Buisson déchiré et maculé de sang. Renard rejoint ses compagnons et ensemble, ils se dirigent, par les gorges de la Goule-Noire, vers Rencurel qu'ils atteignent vers 7h00.

Route de la Goule Noire...

Vue des gorges de la Goule Noire à partir de la Balme de Rencurel...

Au café du village, le patron leur donne quelques vivres et un peu de réconfort. Par chance, un camion FFI transportant des blessés passe par là. Buisson est alors pris en charge par des infirmiers.

En chemin, Renard et Petiot rencontrent d'autres combattants des FFI et même des américains ! Renard choisit un groupe d'une quinzaine d'hommes se dirigeant vers les Ecouges et Fessoles, tandis que Petiot choisit le groupe qui se dirige vers Presles.

Coincé entre les allemands sur le plateau et les postes de garde tenus par les Mongols sur la nationale le long de l'Isère, le groupe erre et se cache, la faim au ventre, ne mangeant que quelques pommes. Le 3 août, Renard se rend dans une ferme située à proximité du château de La Rivière. Le fermier accepte de les ravitailler et surtout, propose à Renard de les aider à traverser l'Isère.

Le passeur connaît aussi l'endroit précis, entre deux postes de garde, qui permet de traverser la route de Grenoble avec un risque minimum d'être repéré.

"La nuit du 4 août", le groupe traverse la route de Grenoble en rampant. C'est une manœuvre risquée car il y a des postes allemands tous les 400 mètres... Puis par groupe de cinq, les hommes empruntent la barque du passeur pour rejoindre l'autre rive. L'héroïque passeur emmène le premier groupe. Entraînée par le courant, la barque atteint la berge quelques centaines de mètres en aval du point de départ ; distance qu'il faut remonter à contre courant pour aller chercher le deuxième groupe... dont fait partie Renard.

Tandis que le deuxième groupe traverse, une patrouille allemande les repère, et leur tire dessus. Par miracle, le groupe est débarqué sain et sauf de l'autre coté.

Le passeur se camoufle pendant deux heures, et héroïquement... repart chercher le troisième groupe !...

Le matin du 5 août, Renard s'arrête pour manger dans une ferme au niveau du pont du Tréllins (en face de Vinay), ferme appartenant au propriétaire du Gontier.

Enfin,en longeant l'Isère, Renard arrive aux Reynauds vers 8h00.