// Document n°3 bis

Documents n° 3 bis

Lettre de Monsieur Gueunon écrite pour l'inauguration de la plaque à la mémoire de Guy de Crécy sur la maison qu'il occupait à Frolois

Texte dactylographié à partir de l'original manuscrit

 

Madame, Mesdames, Messieurs

Je suis confus de l'honneur que me vaut aujourd'hui mon séjour dans les geôles allemandes car il me permet d'être l'interprète de ceux qui sont revenus pour rendre l'hommage qui est dû à l'homme que fut Guy de Crécy
Certes, d'autres ont souffert
D'autres ont eu leur chair meurtrie
D'autres ont payé de leur vie
Mais aucun que je sache ne fut, comme lui, tout au long de sa vie, un exemple qui est allé jusqu'au grand sacrifice.

Il n'eut jamais d'autre pensée dominante que celle de servir et de servir parfois jusqu'à la témérité.

Guy de Crécy était originaire de Saône et Loire ; il était tout jeune encore à la déclaration de guerre de 1914 ; parti comme tant d'autres son esprit de devoir, son courage, l'exemple qu'il donnait à tous lui valurent toutes les distinctions qui pouvaient être accordées à un combattant : croix de guerre avec 6 citations, les galons de lieutenant et, enfin, la légion d'Honneur.

La paix revenue, il fondait une famille et, avec son épouse au milieu de ses cinq enfants, il menait cette vie simple de l'homme loyal et bon que nous avons tous connu.

Puis, vint la grande tourmente ; en 1939, il était inquiet, les mauvaises nouvelles le désespéraient peut-être plus que tout autre. -
Conscient du danger, il n'eut qu'une seule pensée : servir encore et il demanda à s'engager.
Sa demande ne fut pas acceptée en raison de son âge et de ses graves blessures. Puis ce fut la débâcle.

N'ayant pu servir comme soldat, il ne pouvait se résoudre à rester inactif face aux boches, il fut l'un des premiers résistants en organisant le passage, le recueil et l'acheminement des évadés.

Combien de soldats Français, combien de Sénégalais lui doivent ne ne pas avoir connu les geôles allemandes ?
Combien de fois, la nuit, a-t-il risqué sa vie lorsque pour des cheminements qu'il connaissait bien, il accompagnait les groupes d'évadés par Genelard et Palinges vers la France encore libre.

Toute cette activité et l'aide qu'il donna ensuite à la résistance ne pouvaient pas rester ignorées de la Gestapo et, le 30 avril 1944, il fut arrêté.-

Ceux qui l'ont vu partir et ceux qui partaient avec lui n'ont pu qu'admirer son calme et sa grande dignité. Déporté le 30 mai, au terrible camp de NEUENGAMME, il mourait un mois après.-

Je m'excuse, mais j'ai tenu à retracer la vie de Guy de Crécy pour ceux qui l'ont connu et pour qu'elle serve d'exemple aux générations à venir.-

En terminant, permettez-moi de dire à Madame de Crécy et à ses enfants, combien restent vivants dans notre esprit le souvenir et l'admiration que nous portons à celui qui toute sa vie a su être un bon mari, un bon père, un bon chrétien et un grand Français.

Frolois le 16 mai 1946

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