Documents n° 13

BON-PACHATTE
écrite par Gérard de Crécy

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Raoul, Paul, Marie de Crécy


(que vous appelez familièrement Bon-Pachatte) votre grand-père et arrière-grand-père était né à Azans (Jura) le 24 avril 1888, 3ème enfant de Jean de Crécy et de Suzanne LIONS.

Ses premières années se passent dans la propriété familiale d'Azans, qui sera vendue au moment où, au début du siècle, la famille s'installe à Paris.

La jeunesse

Avec son aîné, Gérard, et son cadet, Renaud, il est inscrit chez les pères jésuites au collège de Vaugirard, où il côtoie Georges Bernanos et les frères de Gaulle dont le père, Henri de Gaulle, est alors Préfet des études.

La famille vit alors toute l'année à Paris, mais les vacances se passent au château de Soleymieux à La Talaudière (Loire) dans la propriété de Grand-Mère LIONS, dans une atmosphère de discrète opulence, à laquelle nos jeunes parisies ne sont pas habitués.

On fait du sport, on joue au billard avec l'oncle Paul de Forcrand, le parrain de Raoul, et le soir après le dîner on attend impatiemment l'arrivée du " bandit ", le valet de chambre, qui sert les rafraichissements, pour pouvoir enfin se retirer et quitter l'atmosphère, sans doute un peu compassée, du salon de Grand-mère !

Bachelier-ès-lettres, le 28 Juin 1906, Raoul s'inscrit en faculté de droit, option qu'il quitte bientôt, peu attiré par les études juridiques. A l'époque, le service militaire obligatoire des jeunes garçons est de trois ans, et il devance l'appel et s'engage dans la cavalerie au 11ème Cuirassiers alors en garnison à La Part Dieu à Lyon.

A la sortie du régiment, en 1910, à l'exemple de son aîné, Gérard, il entre, sans enthousiasme, comme rédacteur à la Caisse des Dépôts et Consignations.

La Guerre

Mobilisé en Août 1914, il est incorporé au 12ème Cuirassiers, alors en garnison à Rambouillet ; c'est dans cette unité, d'abord à cheval, puis à pied, qu'il fera toute la "Grande Guerre". Blessé, plusieurs fois cité à l'ordre de l'armée, nommé Sous-officier, puis Officier, il termine la guerre comme Lieutenant, après une conduite exemplaire, où comme Commandant de section ou de Compagnie, il s'accomplit complètement !

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Du Fort de la Pompelle, près de Reims, où le régiment est face aux lignes allemandes, il conçoit, organise et exécute le 3 janvier 1918 un "Coup de main" qui fera l'admiration de ses chefs et lui vaudra une très belle citation à l'ordre de l'armée. Cette attaque de la tranchée de Tarnowo fera, quinze ans plus tard, dans la Revue de Cavalerie, l'objet d'une étude très admirative du général Ingold. Il gardera toute sa vie un vibrant souvenir et une certaine nostalgie de cette période de sa vie.
Après la victoire et l'armistice du 11 Novembre 1918, il s'engage pour six mois, avec le grade de capitaine, dans le corps d'armées conduit par le général Weygand pour lutter contre les Bolchéviques qui menacent la toute nouvelle indépendance de la Pologne, et il est nommé Chevalier de la Légion d'Honneur à titre militaire.

Le Chaillou

Rendu à la vie civile, fin 1919/début 1920, Raoul n'a aucune attirance pour rejoindre les bureaux de la Caisse des Dépôts et "ses cartons verts" ! Avec l'enthousiasme qui est le sien il s'associe avec son frère, Renaud, ingénieur agronome, et Guy pour acheter et gérer une propriété agricole , leChaillou, à Lury-sur-Arnon, près de Vierzon. Mais cette aventure ne va pas durer longtemps ! (Petite anecdote, notre trio engage un ménage de maître-valet qui quelques mois plus tard attend un heureux évènement et Renaud dit à ses frères, "avec ma guigne habituelle, ils vont l'appeler Renaud", et le bébé arrivé, le jeune père déclare : "nous l'appellerons Raoul !"

Mariage et installation à Chatte.

Mais, dès le début de 1921, Raoul rencontre celle qui va devenir sa femme, Henriette de Prandières, et c'est véritablement un coup de foudre, les lettres échangées pendant leurs fiançailles qui ont été pieusement conservées en témoignent. Ils se marient le 28 Avril 1921 à Boisset-les-Montrond (Loire) où habitent le père et la belle-mère d'Henriette et décident de s'installer à Chatte, au domaine des " Reynauds " qui appartient à Henriette, en tant qu'héritière de sa mère, Marie de Combarieu, première femme de son père, morte en 1908.

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(Jean Reynaud, Homme de loi à Sait-Marcellin, notre lointain ancêtre, en était déjà propriétaire en 1477).

A cette époque, le fermier, Rousset, habite la partie de la maison qui donne sur la cour, les propriétaires se réservant la partie qui donne sur le jardin, il faut donc entreprendre d'importants travaux de transformation de la maison, et aménager un logement dans les bâtiments de ferme pour le premier ménage de maître-valet que l'on va embaucher.

Raoul et Henriette s'installant définitivement à Chatte, s'investissent aussi dans la vie sociale locale, paroissiale, associative, (Union sportive Jeanne d'Arc, Cours ménagers, etc) et même politique. (Les débats à l'époque du Cartel des Gauches (1924-1925)avec Dorly, ancien maire de Sait-Marcellin, avaient été assez chauds !).

Ils ne négligent pas pour autant les relations amicales avec la " gentry " locale : Vincendon Dumoulin, Chabert d'Hières, La Grandville, Bizalion, etc. Amateur de tennis, Raoul crée sur la propriété un des premiers court de tennis du canton où, le Dimanche, viennent jouer les amis et connaissances locales.

Consacrant la totalité de ce qu'il a retiré de la vente de la propriété du Chaillou à l'amélioration et à l'arrondissement du " Pré carré " des Reynauds, Raoul achète et/ou échange telles ou telles parcelles de terre pour faciliter et rationnaliser l'exploitation de l'ensemble. Il plante plusieurs rangées de noyers qui s'avèrent un bon investissement d'avenir.

 

Cependant, à partir des années 1929/1930 les cours du blé s'effondrent et la rentabilité de l'exploitation devient très aléatoire.

Grâce à un travail acharné, et une lutte permanente contre la tentation du découragement qui l'assaille de temps à autre, Raoul tente de nouvelles expériences pour rentabiliser l'exploitation et vendre les produits de la ferme ou même trouver une activité annexe : (automobiles Berliet, Albans, les noix sablées du Dauphiné, création d'un verger de poiriers, etc). Cela ne l'empêche pas de faire régulièrement des périodes militaires de deux ou trois semaines en tant qu'Officier de réserve. (C'est au cours d'une de ces périodes militaires qu'il fera connaissance de Jean Delattre, qui épousera Marguerite-Marie de Prandières, demi-sœur d'Henriette).

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Les enfants sont arrivés très vite: Suzanne en 1922, Louis en 1923, Henri en 1925, Gérard en 1927, Anne en 1928, Marie en 1930, Maurice en 1932, Renaud en 1933. Chaque année au 15 Juillet, jour de la Saint-Henri, Raoul compose un petit poème pour la fête d'Henriette, le dernier est du 15 Juillet 1935, et c'est 11 jours plus tard, le 26, qu'avec l'arrivée de Guy, Henriette lui est enlevée ! Je ne peux revivre ces moments sans une très vive et très profonde émotion, et une admiration plus profonde encore pour le courage et la foi dont notre cher Père a donné le témoignage dans cette épouvantable épreuve, après quatorze ans de mariage seulement !

Terrassé par une peine immense qui ne le quittera jamais, il fait tout ce qu'il peut pour distraire ses enfants :

Dès le printemps 1936, il projette un petit voyage dans les chateaux de la Loire avec les aînés !

Comment s'y prendre ? En avance sur son temps, notre Père invente ce que nous avons appelé la " camionnette-camping ". La Citroën B12, dite "l'oiseau Tango" est équipée de deux plateaux à claires voies et pieds repliables que l'on dispose, le soir venu, en prolongation de la camionnette ; une bâche recouvre le tout et six matelas de kapok font office de couchettes. La cuisine est assurée par Suzanne sur un petit réchaud à pétrole à deux feux acheté pour l'occasion.

Après un essai à Charavines, jugé concluant, chez Tante Madée Toy-Rion, sur les bords du lac de Paladru, nous voici partis, en Août, une fois les moissons terminées, Papa, Jean de Prandières, 18 ans, et les quatre aînés, Suzanne, Louis, Henri et Gérard.

  1. ère étape à Boen-sur-Lignon, chez Jacques de Prandières qui vient d'entrer à la banque régionale du Centre.
  2. ème étape à Charolles, où nous faisons la connaissance de Joseph Ducroux, un camarade de guerre de Papa.
  3. ème étape : Nous passons au Chaillou à Lury-sur-Arnon où nous voyons la propriété que Papa et ses deux frères ont exploitée quelques mois.
    Nous nous arrêtons à Bourges pour visiter la célèbre cathédrale. Puis visite de CHEVERNY : c'est dans une allée de Cheverny, que sans doute fort intrigué par le " look " d'un touriste de passage qu'elle dévisage intensément, Suzanne se fait apostropher par un "Vous me reconnaîtrez, ma petite !" qui est resté dans les annales.
  4. ème étape : Nous nous installons en bordure de la forêt de Chambord dans un coin recommandé par le curé de Chambord qui viendra nous voir et se fera reconnaître par un strident coup de sifflet obtenu avec deux doigts dans la bouche !


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Dans les jours qui suivent nous voyons BLOIS puis CHENONCEAUX, CHAUMONT, AMBOISE et enfin LOCHES où nous sommes accueillis par le Dr Marneff, autre camarade de guerre de Papa, qui nous fait faire un tour dans une luxueuse Renault Primaquatre avec laquelle notre pauvre "Oiseau Tango" ne peut évidemment lutter et avec laquelle nous frisons les 100km/h, ce qui nous paraît phénoménal.Sur le chemin du retour nous nous arrêtons à Boisset-les-Montrond, chez notre grand-père, le colonel de Prandières, père de Jean, qui, lui, nous quitte à ce moment-là, et, très heureux de raconter nos aventures, nous retrouvons à Chatte Tante Jeanne et les cinq plus jeunes.

En octobre, c'est la rentrée scolaire pour Suzanne et Anne à Sainte-Anne, à Saint-Chamond, et pour Louis, Henri et Gérard, à Mongré chez les pères jésuites, et chaque semaine, Papa écrit à chacun de ses enfants pensionnaires.

Toujours soucieux de distraire ses enfants, Papa décide alors de louer pour un mois, pendant l'été 1937, une petite maison à Autrans, dans le Vercors, à 1000mètres d'altitude, où nous nous installons, Tante Guite et Ninon, Tante Jeanne et nous neuf. Le choix d'Autrans n'est pas anodin, nous sommes ainsi à une heure et demie à pied, en escaladant le Pas de Montbrand, des Ecouges où nous retrouvons avec plaisir nos amis Chabert d'Hières. Quant à notre Père, il ne peut guère s'offrir de vacances mais il nous retrouve chaque Samedi soir pour passer le Dimanche avec nous !


A Noël 1937, Papa a imaginé de composer et de faire jouer par ses enfants un petit spectacle, dans le style des revues de chansonniers qu'il a pu voir dans sa jeunesse parisienne ! Sur des airs traditionnels dans ce genre de spectables, qu'il accompagne lui-même au piano nous voici tous chantant et jouant, devant un parterre d'amis chattois ou saint-marcellinois, assis dans la salle à manger, sous les feux de la rampe installée pour l'occasion dans le couloir. (en annexe quelques extraits de la revue). Nous en avons tous gardé un souvenir ému !

En 1938 "l'oiseau Tango" rend l'âme, une bielle est passée dans le carter, et au grand plaisir des enfants on doit acheter, d'occasion, une vraie Conduite intérieure, Renault Vivaquatre. Et l'expérience de l'année précédente ayant été très concluante, nous passons un nouveau mois d'été à Autrans.


A la rentrée, Suzanne prend les rênes de la Maison.

Mais voici venir 1939 et la déclaration de guerre que l'on apprend sur un petit poste de radio à galène bricolé par Jean de Prandières, et Papa, mobilisé est affecté à Vesoul. Tante Jeanne se réinstalle à Chatte, pour tenir la maison, alors que Suzanne tombe malade ! La faculté l'envoie se soigner à Hauteville (Ain) en Avril 1940. Notre pauvre Papa est mortellement inquiet. Entre temps, le 10 Mai 1940 l'armée allemande a déclenché son offensive, et la bataille se transforme au bout de quelques semaines en véritable déroute pour l'armée française ! Le dépôt de cavalerie de Vesoul doit être évacué à destination de Toulouse, mais il n'y a pas assez de véhicules pour transporter tous les effectifs en une seule fois, ce qui oblige les camions de troupes à faire deux fois chaque étape, c'est très long et donc dangereux (risques de bombardement de l'aviation allemande ou de se faire " gauler" par des éléments avancés des envahisseurs.)

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Le génie a reçu mission de faire sauter tous les ponts sur le Rhône comme sur l'Isère, pour retarder l'avance allemande. Papa, qui commande en second, suggère à son Colonel, le Colonel de Contenson, de précéder son convoi afin d'user de son influence auprès des responsables du Génie pour faire retarder la destruction des ponts au moins jusqu'au passage du dépôt qu'il commande. Pendant l'absence du Colonel, Papa fait réquisitionner à Saint-Marcellin qui est sur son itinéraire, les deux cars de l'entreprise Perraud de Roybon. (Cet épisode vaut, dès le lendemain, à notreTante Guite qui est à ce moment-là avec nous et Ninon à la maison, une visite courroucée de la propriétaire des deux cars qui se plaint amèrement :

"le Comte a pris mes cars !" et il faut tout un temps pour faire admettre à cette personne en colère que c'est l'autorité militaire qui a réquisitionné ses véhicules et qu'ils lui seront rendus ou indemnisés). Entre temps Papa nous a fait prévenir de nous trouver dans une heure environ à la Croix Noire, pour nous entrevoir et nous embrasser, car il n'a ni le temps ni le loisir d'aller jusqu'à la maison bien que passant à moins d'un kilomètre. Papa est inquiet pour nous, il craint que des combats se produisent le long de cette route N92 et il suggère à Tante Guite de nous emmener tous à l'abbaye de Chambarand où nous serons plus en sûreté. C'est ainsi que nous montons à Chambarand, conduits en voiture, par Henri qui a tout juste 15 ans et évidemment pas de permis. Nous y restons quelques jours, et nous regagnons les Reynauds quelques jours après la conclusion de l'armistice.

Après sa démobilisation, Papa est de retour à Chatte vers la fin d'Août.

Suzanne est toujours à Hauteville, et, à deux reprises, courant Septembre et début Octobre, nous allons à bicyclette, Papa, Louis, Henri et moi passer quelques heures avec elle ; son état de santé s'améliore petit à petit, mais elle restera encore à Hauteville jusqu'au printemps 1941. C'est au cours de l'une de ces deux randonnées à bicyclette que nous nous arrêtons à la Grande Chartreuse, où les Chartreux sont en cours de réinstallation, et que nous nous trouvons là en même temps qu'un groupe de soldats allemands conduits par un officier français… ce qui ne nous fait guère plaisir.

La vie ordinaire reprend son cours petit à petit. Louis est au lycée Champollion à Grenoble, en math.sup.. Henri et Gérard au lycée de Saint-Marcellin. Anne et Marie sont à Sainte Anne ( réfugiée à Magneux-Hauterive).


Notre père terriblement secoué par l'état moral et politique de la France accepe, à la demande du Préfet de l'Isère, une responsabilité cantonale à la "Légion des Anciens combattants" qui a apparemment pour mission, pense-t-on à l'époque, de soutenir le moral de la population et de préparer ou de soutenir en zone libre une certaine résistance.

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Mais il faut vite déchanter, après Montoire et l'entrevue Hitler/Pétain, et lorsqu'on entend à la radio la déclaration de Pierre LAVAL : "Je souhaite la victoire de l'Allemagne". Quelques jours après, Papa se rend à Grenoble et voit le Préfet de l'Isère, et lui déclare qu'il est impossible de continuer dans de telles conditions, "car vous allez tous nous faire coller une étiquette pro-boche dans le dos ! " avec les conséquences dramatiques que cela peut impliquer.

Tous les jours à 6h1/4 Papa me demande de brancher la radio sur la B.B.C. qui donne sur les ondes courtes son bulletin d'information en français, et on entend souvent Maurice Shumann ; les messages codés adressés à la résistance qui s'organise peu à peu, et quelquefois le Général de Gaulle qui, pour nous représente alors l'honneur et peut-être la chance de la France. En outre, la relative proximité de la Suisse nous permet tous les Vendredi soirs à 19h15 d'entendre sur les ondes de la Radio Suisse Romande, Radio-Sottens, la chronique hebdomadaire de René PAYOT que Papa et nous écoutons avec le plus grand intérêt car il donne souvent des informations que l'on ne trouve ni dans les journaux ni à la radio controlée par le gouvernement.

Papa continue à s'occuper très activement de la propriété : il n'y a plus de carburant donc plus de tracteur ! Il a fallu se remettre à la traction animale, bœufs, chevaux, mulets pour tous les
travaux, labours, moissons fourrages etc. etc. Et quand arrive le printemps, Papa passe des 6 jours entiers à tailler les poiriers dont la récolte interviendra dans l'été et que nous serons chargés, mon frère Henri et moi de vendre soit sur le marché de Saint-Marcellin soit de maison en maison dans les villages environnants grâce à la voiture à cheval que tire la fidèle Bichette.


Papa fait partie depuis longtemps du "Cercle" de Saint-Marcellin, et s'y rend souvent, pour éventuellement jouer au bridge, mais aussi pour évoquer la situation militaire et politique du pays. Il y rencontre beaucoup de connaissances qui, sans être forcément des amis, connaissent ses opinions, et pour la plupart, comme lui, souhaitent bouter l'ennemi hors de France. Agriculteur avisé, reconnu pour sa droiture, son courage et son franc-parler, notre père a acquis indubitablement, en quelques années, une autorité morale incontestable à l'échelon local, et on vient souvent le consulter d'assez loin. Agréé par les tribunaux du département comme Expert Agricole, depuis le début des années 1940, il sillonne la région le plus souvent à bicyclette, pour auditionner les parties en présence : bailleurs et fermiers, héritiers se disputant le bien de la famille, propriétaires soumis à expropriation, etc. etc.. Il essaye toujours de trouver le juste compromis, et sa grande connaissance de l'agriculture comme de la mentalité dauphinoises, lui permet de proposer aux tribunaux des conclusions qui, le plus souvent sont adoptées telles quelles par l'autorité de justice.

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Quand arrive la libération, Papa est coopté, j'allais dire tout naturellement, par le Comité local de libération de Saint-Marcellin, ce qui lui donne l'occasion, entre autres choses, de sauver la liberté d'un de ses amis qui s'était fait remarquer par l'expression d'opinions progouvernementales très tranchées, et à tout le moins maladroites. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire et d'anecdotes à raconter, mais il est temps que je m'arrête.

Pour terminer, cependant, je me dois de vous livrer quelques lignes du "laïus" qu'il nous avait lu le 28 Avril 1946, célébrant, hélas seul, son 25ème anniversaire de mariage, en présence de tous ses enfants comme de Tante Jeanne, de Tante Mène de Thiollaz, de Jacques et Jean de Prandières et de Jean Delattre, ses beaux-frères, comme de Oncle Renaud, son frère et de Tante Monique sa belle-sœur , tous invités pour cette grande occasion :

" Que cette petite fête familiale reste gravée dans vos esprits ! Que cette vieille maison qu'on dit invendue depuis quatre cent ans et dont nous avons inauguré il y a vingt cinq ans une nouvelle " jeunesse " existe encore aux mains de nos descendants dans trois-cent-soixante-quinze ans ! Je me représente avec un peu d'imagination, et sous réserve du délai que nous laisseront les bombes atomiques, le 28 Avril 2321!...…. Un Henri de Crécy, vieillard dont les plantations luxuriantes s'étendent sur des kilomètres, se lève en tremblant au moment du Champagne : Mes enfants, vous savez ou vous ne savez pas que notre antique Maison a trois devises :

La première :
"PASSAVANT LE HARDI !
"
Que ce cri de guerre soit votre règle dans vos peines et face à l'ennemi !

La seconde :
"L'HONNEUR M'A FAIT NAITRE ET RENAITRE"
Que cette belle maxime vous inspire dans les durs moments de votre âge mûr. Qu'elle vous aide à vous relever de vos chutes et à ne jamais désespérer !

Enfin :
"FORTIS ET FIDELIS"
doit résumer toute votre vie :

FORTIS : Courageux devant les revers, le devoir de chaque jour les tristesses la maladie, les deuils !

FIDELIS : Fidèles à vos amis, à vos affections, à vos traditions, à votre FOI "

G.C. Versailles 4 Mai 2012

 

 

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Créé le 27 octobre 2012